Morceaux choisis du livre publié en 1937
L’hydrologie du Mont Bouquet est la conséquence naturelle de sa géologie. Cette liaison n’explique pas seulement la formation des gouffres du Séguisson. Elle est une clef d’intelligence pour les grottes et avens parsemés sur tous les points.
Deux remarques préliminaires s’imposent :
1) D’importantes cassures N.-S. E.-O. traversent le massif et servent à canaliser les eaux souterraines.
2) Les eaux pluviales s’infiltrent immédiatement dans la montagne comme à travers une écumoire.
Les baumes de Payan : Ces grottes se trouvent au nord du Guidon, sous le camp de Clergue.
L’entrée nous en fut indiquée, le lundi de Pâques 1933, par notre excellent paroissien et guide perspicace, M. Dussaud Gustave.
Elles sont creusées suivant des fentes parallèles orientées N. S.
lci. comme dans presque toutes nos grottes explorées, la massue des vandales s’est acharnée contre les stalagmites et stalactites.
Les grottes de Seynes : Leurs deux entrées sont facilement visibles, vers le sommet des escarpements qui dominent le village dont elles portent le nom.
On y accède par une rude montée, en suivant des chemins de chèvre.
Nous avons visité ces grottes pour la première fois en 1937, avec un groupe de cinq jeunes gens, que les curiosités spéléologiques et archéologiques ne laissent pas indifférents.
Les deux entrées sont reliées entre elles par des éboulis et des galeries souterraines.
La majestueuse entrée circulaire ouverte vers le Sud, est la seul qui donne accès facile vers l’intérieur.
Nous ne donnerons pas ici le détail de nos observations à travers ces dédales aux sécrétions glissantes… Nous tenons en outre à souligner les dangers réels de ‘exploration si l’éclairage devenait insuffisant.
Qu’il nous soit permis de signaler que l’a-pic de 7 mètres partant de la salle du « Tinaou » vers la deuxième sortie n’est pas à conseiller à la montée et constitue un casse-tête pour la descente.
Pourquoi d’ailleurs s’exposer à de graves ennuis, puisque l’arrivée vers ce point central de la grotte, est assurée sans grandes difficultés par les contours de l’entrée normale .
Si nous partons du pied de l’a-pic en question, nous trouvons à notre droite et en surélévation une lunule sur le Tinaou .. Mais une ouverture plus intéressante et plus accessible se trouve à quelques mètres plus en avant et plus bas.
Les profondeurs du Tinaou restent encore inexplorées. C’est un terrible puits aux formes cylindriques.
On peut apprécier sa profondeur approximative (20 mètres) par le jet de pierres dont l’arrivée révèle, sur la droite, un clapotement des eaux.
La flamme d’un bengale allumé en bonne place , éclaire les formes supérieures de ce remarquable travail du tourbillonnement des eaux.
Les spéléologues en font remonter la date au début du quaternaire.
Les anciennes cassures N. S. continuent à canaliser les eaux pluviales; seulement ,ces eaux ont approfondi leur lit jusqu’au niveau des marnes.
Nous avons vu dès ce moment le centre hydrologique de la grotte. Il nous reste à escalader, directement ou par des voies détournées, les divers étages qui conduisent vers la grande salle.
lci, nous a-t-on affirmé, se dressait autrefois en stalagmite une Vierge dont la main présentait un raisin finement découpé…. Quel barbare eut osé la détruire ?
Deux ouvertures inégales nous conduiront maintenant vers le grand couloir, où grouillent, par centaines, les chauves-souris suspendues en grappes à la voûte.
Vers la droite… des dépôts quaternaires.
Sur le fond, à gauche de la dernière montée, on pénètre par contorsion et en rampant dans la petite salle funéraire dont nous dirons un mot au chapitre suivant.
On a voulu donner le nom de Grotte des Trois ours, à la grotte de Seynes, parce qu’ici, comme aux baumes de Payan, des spécialistes ont découvert des restes d Ursus speleus.
Dans chacune de ces deux grottes on rencontre effectivement des dépôts quaternaires.
Il est d’ailleurs évident que leur disposition au-dessus d’un escarpement formidable, mérite une explication scientifique.
C’est encore un fait qu’on y retrouve pour les eaux souterraines, la direction des grandes diaclases N.-S. qui semblent influencer la montagne depuis le Castellas jusqu’à la fin des à-pic de Seynes.
Autant de données précieuses pour l’hypothèse d’un Mont Bouquet, jadis beaucoup plus avancé vers l’Est, miné à l’époque quaternaire par d’énormes érosions opérant des charriages et provoquant l’effondrement des parois à-pic.
Sauf dans sa région élevée, le Mont Bouquet, au point de vue hydrologique, est tributaire de la plaine de Brouzet.
Les eaux souterraines suivent la pendaison E-O. des strates, qui est celle de la montagne, et vont rejoindre le ruisseau de l’Alauzène par des canaux intérieurs.
Nombreuses sont les petites grottes disséminées sur les pentes des ravins desséchés.
Il ne parait pas utile de descendre dans l’Aven des trois Gorges (profondeur approximative 50 mètres).
Près de lui, nous avons visité la Grotte de la Curiosité. Elle est très connue… Son ouverture est en profondeur, et l’entrée est à gauche.
Après avoir rampé quelques mètres on descend vers une série de salles souterraines, riches de quelques cristallisations remarquables… L’une d’entre elles constitue une harpe naturelle… Chacun veut la faire jouer du bout de sa canne… . Mais il fait vraiment trop humide pour s’attarder à ces illusions.
Non loin de là, en continuation de la combe de Montlong (1), sous un grand rocher à droite et en haut, la Grand’Baumo présente son narthex en berceau. Voilà cinq ans, des amis consacrèrent une journée de travail à nous ouvrir l’entrée de la grotte proprement dite; elle est devenue praticable par nos soins, pour ceux qui savent ramper.
L’intérieur n’a rien de sensationnel. Après un grand couloir, un passage étroit, qui donne accès vers une salle très humide, où se retrouvent des poteries anciennes.
Aven de Faucon dit Aven de Boisson (c’est ainsi que les noms des choses subissent les vicissitudes des temps).
L’ouverture de cet aven baille sur un des derniers contreforts de la montagne, quelques centaines de mètres l’Est du village de Brouzet.
L’étude de cet aven, dont la longueur atteint un demi-kilomètre, permet de saisir le secret des eaux souterraines qui circulent le long des pentes du Bouquet. Puisse cette considération, faire perdre la déplorable manie d’y précipiter les animaux crevés !
En compagnie de quelques habitants du village, le 10 septembre 1903, M. Félix Mazauric (Spelunca-mars 1904) pénétra les profondeurs de ces labyrinthes. Nous cédons volontiers la parole à ce spéléologue averti :
« La profondeur totale est de 80 mètres, parmi lesquels environ 30 mètres d’à-pic absolu et 50 mètres de pente extrêmement inclinée.
A l’extrémité de celle-ci, on pénètre soudain dans un grand couloir admirablement décoré, dont le niveau est plus bas que celui du village.
Nous avons pu suivre au-delà un petit canal tortueux qui se trouve sous le lit du ravin et conduit les eaux pluviales à un niveau inférieur à celui de la plaine.
Il est très probable que toutes ces eaux vont ressortir beaucoup plus bas, aux environs des Fumades.
(1) Un plan de la montagne du Bouquet, montre les deux combes de Mont-long et du Rédalet- . Castellas, enfoncées parallèlement comme deux serres dont les pointes convergeraient vers le Guidon
En traversant les asphaltes et bitumes des couches lacustres superposées, elles se chargent de gaz sulfureux qui les rendent précieuses pour certaines maladies de la peau. (2) »
La source de l’Alauzène et celle de son effluent le Séguisson, n’ont pas trois kilomètres d’éloignement.
Mais ces deux ruisseaux, qui captent par encerclement les eaux du Mont Bouquet, ont un parcours très différent.
L’Alauzène : Ce ruisseau prend sa source sur la pente méridionale de la montagne (en Combelle, vers Saussines).
Il passe près de Seynes et se dirige vers le défilé des Angostrines.
Ses eaux souterraines circulent le long d’une faille E. O.
A l’époque des fortes pluies, le canal souterrain ne peut les évacuer toutes; il se forme alors sur son parcours des sources temporaires ou évents, analogues aux « issoudans »de Goudargues et de la Bastide.
Il suffira de signaler les moins importants, ceux des Poches et des Canelliers.
L’Aven des Angostrines mérite une plus grande attention.. C’est le plus caractéristique.
Ses manifestations impétueuses n’existent plus qu’après les grosses pluies… La bouche qui lui sert d’exutoire ne doit pas tenter les visiteurs.
A la pénétrer, on ne tarde pas à rencontrer une nappe d’eau assez profonde..C’est le siphon.
Cette rivière souterraine est très riche en crustacés aveugles (Ni- phargus Virei).
Ensevelie à l’intérieur de la masse calcaire, l’Alauzène franchit le défilé des Angostrines dans le sens de la grande faille E. O.
Un peu en aval de l’ancien moulin des écrevisses, une partie de ses eaux est captée pour l’alimentation du village de Brouzet.
(2) I1 faut observer que, malgré le nom de Fumades, ces sources sulfureuses sont aussi froides que les sources ordinaires, et que, par conséquent, le niveau d’où elles remontent est relativement peu profond.
La rivière reparait plus bas, et continue à couler au milieu de la plaine, dans la direction S. N.
Elle reçoit souterrainement tous les apports E. O. de la montagne du Bouquet, puis les eaux du Séguisson, et se jette dans l’Auzonnet en face de La Bégude.
Le Séguisson : La source de ce ruisseau est sous un rocher situé vers la Moutette (quartier des granges d’Atuech, sous Vendras) (3).
Il est dû aux suintements marneux des environs du hameau de Bouquet (4).
Pour suivre son cours, nous allons bifurquer sur le chemin qui passe sous Suzon et descendre vers Les Grandes Aiguières.
Laissez-vous conduire par un guide sûr et soyez très prudents!
Grandiose et sauvage est ce coin merveilleusement pittoresque!
Les grandes Aiguières se trouvent sur le parcours d’une série de cascades hautes de 15 mètres.
Ce sont d’immenses tines – analogues aux Cuves des Concluses – creusées par l’action mécanique des cailloux calcaires entrainés dans le tournoiement des ondes.
Les eaux arrivent par un chenal étroit et se précipitent vers I’Aiguière de la Font (agréable source sous les rochers de la rive droite).
C’est la plus vaste (25 m. de long. sur 15 m. de large), et la plus remarquable pour les connaisseurs.
Cette prodigieuse marmite aux formes amphithéâtrales ne joue plus, depuis l’époque quaternaire, mais ses dimensions donnent une idée du terrible volume d’eau qui devait tourbillonner au sein de ces anfractuosités.
Par une cascade de cinq mètres les eaux de cette aiguière tombent
(3) Par grosses pluies, non loin de cet endroit, s’élancent du sol des jets d’eau considérables désignés sous l’appellation significative de boulidou
(4) Il est intéressant de noter, qu’entre ce village et le Castellas, se trouve au quartier du Clastre (cloître) et à proximité de l’église ruinée de l’ancien prieuré Saint-Martin, le puits des moines, dont le niveau est à peu près invariable.
Un autre puits qui présente la même particularité (Font du Cade) se trouve près du mas de Talen, à 70 mètres du rocher.
dans le « Gouffre noir », ainsi dénommé à cause de ses deux conques étroites et profondes.
Ce gouffre contient en abondance une variété de petits poissons (10 cm.) très appréciés.
Une cascade de trois mètres précipite les eaux dans un dernier bassin où elles ont creusé un immense abri sous roche. Mais ici, les eaux glissent sur les marnes sous-jacentes, et ne reparaissent que beaucoup plus bas.
Les Petites Aiguières se trouvent 1500 mètres plus bas, sur le parcours d’une seconde dénivellation brusque de 19 mètres (mesures fournies par Mazauric). Elles comprennent six cascades (5m. -2 m. -4 m -14 m. -10m.50 4 m.). Dans leurs marmites, au moment des fortes crues, on peut encore constater le mouvement tourbillonnaire.
Le Peyrou est un dernier chaudron situé un kilomètre en aval. Il reçoit l’eau tombant en cascade sans jamais déverser… Ce qui prouve bien ‘existence du courant souterrain.
Sur la gauche de la rivière, arrivent par grosses pluies les eaux de l’Aven de Cabassut.
A signaler de ce coté, sur l’escarpement qui domine les petites Aiguières, la Grotte Monadière dite des Camisards. Sur la droite l’Aven de Gaffarou (23 m. de profondeur), la Baume de Galinier , la «Baume de Sérian.
Toutes ces grottes sont le résultat de courants quaternaires
Le lit du Séguisson, en grande partie souterrain, n’offre vraiment plus rien de remarquable, sauf le fameux Aven ou puits de Cals, déversoir temporaire du surplus amené dans les canaux souterrains par les eaux de pluie.
On entend à ce moment un bruit, identique à l’arrivée d’une machine à vapeur…Peu après une masse d’eau considérable s’élance en gerbe hors du puits, remplit le bassin qui l’environne et fuit rapidement vers la plaine. Vingt-quatre heures après, il ne reste plus que le valat de Cals !
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