GÉOLOGIE
Entre le Rhône et les Cévennes proprement dites, et dans la partie septentrionale du département du Gard, se dresse une chaîne imposante de collines et de plateaux calcaires, dirigée Nord-Sud, coupée à pic à l’aspect du Levant et formant l’une des ramifications les plus importantes de la ligne de faîte qui sépare la vallée du Gardon de celle de la Cèze.
La dentelure de ses crêtes semi-circulaires se détache à l’horizon comme un gigantesque escalier aux six marches singulièrement uniformes, depuis le défilé de Tharaux jusqu’au sommet du Mont Bouquet :
– Ranc de Fons (489 m.).
– Serre d’Allègre ou de St-Saturnin (300 m.).
– Ranc de Gauto-Fracho (356 m.).
– Sant Peïlé de Suzon (300 m.).
– Serre du Lansac (319 m.).
– Le Bouquet (631 m.).
Cette dernière montagne est le couronnement de la chaîne.
Toutes les richesses de ses vassales lui appartiennent, mais elle est seule trésorière des dons les plus précieux.
C’est dans son cadre unique que nous localiserons notre étude.
Selon l’endroit d’où on le considère, le Mont Bouquet offre des aspects différents.
Tantôt il révèle sa forme semi-circulaire et ses pentes douces vers l’Ouest, coupées seulement par les profonds ravinements creusés par des eaux diluviennes…
Tantôt il surgit comme un pic majestueux aux formes triangulaires…
Tantôt, crête orgueilleuse, il domine ses contreforts alignés deux par deux comme d’immenses acropoles superposées symétriquement…
Tantôt enfin, rempart herculéen, il présente vers l’Est ses à-pic formidables, en convergence vers le signal de Cassini, d’où la vue surplombe un effrayant précipice de 325 mètres.
Au point de vue géologique, le Mont Bouquet est de formation SECONDAIRE. Son sous-sol est constitué par des roches sédimentaires calcaires, dont l’origine est probablement animale.
Pour utiliser des classifications très usitées, nous dirons qu’il appartient au Crétacé inférieur (Néocomien et Barrémien).
Les marnes se rencontrent dans tous les bas-fonds. Généralement très fossilifères, elles fournissent à la paléontologie un champ d’observation intéressant (échinides, ostracées, rhynchonelles, térébratules).
Les marnes barutéliennes sont surmontées par des bancs calcaires massifs, très puissants, dont le changement de « faciès » d’un endroit à l’autre, constitue un fait vraiment remarquable.
Nous aurons l’occasion d’en reparler.
A signaler, de-ci de-là, quelques lambeaux épars de Crétacé supérieur.
Partout ailleurs, les dépôts de cet âge, ainsi que les couches lacustres tertiaires, forment une curieuse bordure autour du massif, très intéressante à étudier, notamment aux environs de Brouzet-les-Alès (1)
(1) Les verreries furent de tout temps florissantes dans celte région calcaire.
Les plus importantes que nous connaissions se transportèrent de Vacquières aux Angostrines (XVIle siècle), puis à Vaurargues (Le Chabian). Les bois de la montagne alimentaient les fours de cette industrie.
La famille de la Roque nous a communiqué un ouvrage sur Les verrier du Languedoc (St-Quirin) où nous avons retrouvé cet extrait d’un Mémoire de Basville, daté de l’année 1697 :
Diocèse d’Uzès Langostrine : « Les maitres verriers sont deux . Pierre de Pellegrin, sieur de la Taillade ; Jean d’Azémar, sieur du Colombier.
Dans ladite verrerie il y a sept gentilshommes qui travaillent au verre et leur ouvrage est en bouteilles, canettes, verres à boire, cornues ou vaisseaux propres pour l’eau forte page 199. L’unique carrière exploitée actuellement aux Angostrines, sous l’adjudication de la Société Montoison et Cie par entreprise de Louis Gros, livre par trituration et à l’état naturel 99 o/o de carbonate de calcium.
L’expédition se fait sur les ateliers de Tamaris, chez Michelin à Clermont, aux usines d’engrais chimiques, de lubrifiants, de pâtes dentifrices etc.
ÉPOQUE TERTIAIRE
Eocène :Les premiers mouvements du Crétacé et de l’Eocène eurent pour conséquence dans la région étudiée, la formation d’une série de plis synclinaux et anticlinaux, sensiblement dirigés E-S-E O-N-O, et sans doute contemporains des mouvements pyrénéens.
Cette disposition primitive fut grandement modifiée par les mouvements postérieurs.
Si nous observons en effet l’allure des couches tout autour de la région étudiée, nous ne tardons pas à nous apercevoir (en dehors des plissements dont il est question ci-dessus) que les terrains crétacés plongent brusquement au-dessous des couches lacustres qui forment les dépressions d’Alès et de Barjac.
II s’est donc produit, à une époque relativement récente, un affaissement des bords du, plateau vers le centre des cuvettes lacustres.
Les géologues en déduisent : La montagne du Bouquet n’est autre chose qu’un immense lambeau de calcaire qui a basculé vers l’Ouest.
Ceci expliquerait l’origine et l’importance de nos grandes cassures N. S. et E. O. La formation du grand massif alpin ne fut certainement pas étrangère au jeu de ces incalculables efforts mécaniques.
Oligocène : Dès la fin de l’Eocène, l’abrasion était complète partout, et le massif présentait une surface à peu près uniforme.
Si l’on tient compte que les niveaux du plateau de Méjeanes, des bois de Goudargues, de Lussan, de Verfeuil, de Valérargues, etc… sont constamment voisins de 300 mètres d’altitude, on pourra se figurer l’étendue que pouvait avoir alors cette pénéplaine calcaire.
C’est probablement sous l’influence des mouvements du sol, provoqués par la formation du grand massif alpin, que la partie centrale du Bouquet se disloqua et bascula vers Ouest. Qui saura jamais quelles furent à cette époque l’altitude et la configuration exactes de notre montagne ?
Des phénomènes qui réclament une explication scientifique semblent indiquer un Mont Bouquet beaucoup plus avancé vers l’Est.
Mais il ne faudrait pas oublier que NOUS RESTONS TOUJOURS ICI DANS LE DOMAINE DES HYPOTHÈSES (2).
Nous pouvons supposer ce que devinrent dans la suite les marnes barutéliennes brusquement mises à nu et soumises à des érosions violentes.
Elles furent entraînées peu à peu ainsi que les calcaires qui les surmontaient (3). Il en résulta une série de ravins qui furent l’amorce des ruisseaux actuels (4).
Pliocène : Les eaux courantes de cette période semblent être à l’origine des grandes fissures de la montagne.
La plupart de ces fissures furent comblées par les ruissellements prodigieux de l’époque pleistocène.
Aujourd’hui nous retrouvons à leur niveau supérieur de nombreux remplissages quaternaires, dépôts argilo-caillouteux, rougeâtres, phosphatés qu’on a exploités en plusieurs endroits.
De la même époque semblent dater les crevasses ruiniformes, analogues aux lapiaz alpins, que l’on trouve surtout au-dessus du Castellas, et, deux kilomètres plus loin, dans la direction du Guidon, vers 52 mètres d’altitude.
(2) Nous devons la substance des hypothèses de ce chapitre à plusieurs auteurs, notamment aux remarquables observations de Félix Mazauric et aux explications de M. Marcelin, conservateur du Muséum d’Histoire Naturelle de Nimes.
(3) A propos de la butte calcaire qui supporte Lussan, M. Boisson, professeur de Sciences au lycée d’Alès nous a fait part de l’observation suivante :
A considérer le village de Lussan depuis l’un des chemins qui reviennent des Concluses, on a la nette impression que cet historique village est au même niveau, et fait suite sans interruption.
En fait, entre lui et le plateau où l’Aiguillon a creusé ses cluses, existe une immense séparation. Isolée au milieu des marnes, la butte de Lussan reste dressée comme un témoin des formidables érosions accomplies par les eaux courantes.
(4) Remarque importante… Les principaux ruisseaux (Aiguillon, Merderis, Alauzène, Séguisson, Argensol) trouvent leur source dans une sorte de bassin d’alimentation situé au centre du massif. Marnes et calcaires marneux y constituent pour eux un excellent niveau d’eau.
ÉPOQUE QUATERNAIRE
Les vallées dessinées par l’époque pliocène vont se creuser définitivement à l’époque quaternaire.
C’est alors que se forme le canon de la Cèze.
Avec lui et comme lui, les autres ruisseaux (Alauzène, Séguisson, Argensol, Aiguillon) se creusent un lit par étapes successives.
Pour franchir la barrière des calcaires massifs, ils sculptent lentement des gorges étroites et profondes, véritables petites cluses, dont la plus longue ne dépasse pas sept kilomètres à vol d’oiseau.
Or si l’on observe que sur un parcours relativement très réduit, existe entre leur source et leur confluent dans la plaine un énorme dénivellement, on aura l’explication des curieux effets d’érosion mécanique constatés un peu partout, notamment aux Concluses et aux Aiguières.
Nous avons déjà exprimé notre volonté de borner nos investigations autour du Mont Bouquet proprement dit.
Nous ne suivrons donc pas vers les belles sources de la Bastide d’Orniols et de Goudargues, et de là vers la Cèze, la course souterraine de l’Aiguillon et du Merderis, deux ruisseaux qui prennent pourtant leur source non loin du Bouquet (Lavallus et Fons-sur-Lussan).
Nous ne visiterons pas non plus leurs cluses magnifiques dont les parois dépassent parfois 200 mètres.
C’est à regret ! Ces deux canons taillés à pic et extrêmement resserrés, constituent une merveille de tout premier ordre.
Mais l’intérêt géologique déborde ici tout autre point de vue..
Peut-être serait-il impossible de trouver ailleurs un plus curieux exemple d’érosion mécanique par les tourbillons et les cailloux roulés.
On y compte des centaines de cuves aux contours réguliers qui atteignent aux Concluses (5) de grandioses proportions.
Nous en trouverons une réplique aux pittoresques Aiguières de Suzon!
(5) Concluses : Conques cluses : bassins arrondis et fermés.
Continuer vers le chapitre concernant l’hydrologie et la spéléologie du Mont-Bouquet du livre la Mère Admirable du Mont Bouquet publié en 1937 :
https://www.scsp-ales.fr/?page_id=1209